Ce vendredi 3 mai 2024 marque la journée mondiale de la liberté de la presse. Comme partout ailleurs, Haïti commémore cette journée mais dans un contexte marqué par une montée de l’insécurité, une crise sociopolitique, une économie plus que précaire et un environnement de plus en plus menacé par les catastrophes naturelles pour un pays dont les infrastructures routières et autres ne répondent pas aux menaces environnementales qui planent sur le pays.
En parlant de menaces environnementales, pour la commémoration de la journée mondiale de la liberté de la presse cette année, les Nations unies ont décidé de mettre l’accent sur l’importance du journalisme et de la liberté d’expression dans le contexte de la crise environnementale mondiale actuelle. Une façon pour l’ONU de susciter la prise de conscience de tous les aspects de la crise environnementale mondiale et de ses conséquences à travers le travail des journalistes traitant des questions environnementales. 70% de ces journalistes (749) sont victimes pour leur travail au cours des quinze dernières années, a révélé l’UNESCO dans un rapport publié à l’occasion de la 31e commémoration de la journée mondiale de la liberté de la presse ce vendredi 3 mai 2024.
Considérant le contexte haïtien, le courage des travailleurs de la presse est à saluer. Un mot spécial pour ces protecteurs de la démocratie qui n’hésitent pas à s’exposer afin d’apporter l’actualité chez les citoyens qui ont le droit à de l’information fiable de professionnel.les qui se respectent et qui sont conscient de la dimension noble du métier qu’ils exercent. Chapeau bas à ces messieurs et dames !
En effet, la pratique du métier du journalisme, sur quel que soit la thématique, exposent les professionnel.les des médias à des défis parfois d’ordre structurels, parfois d’ordre circonstancielles. En Haïti par exemple, dans un contexte marqué par une crise multidimensionnelle, le journaliste est souvent confronté à des contraintes allant « d’un cruel manque de ressources financières », en passant par « une absence de soutien institutionnel » à « un accès difficile à l’information », comme l’indique le rapport 2024 de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse. Notons qu’Haïti est classée à la 93e place du rapport 2024 de RSF sur la liberté de la presse, avec un score de 55.92 devant le Sénégal (94e) et derrière la Guinée-Bissau (92e). Haïti était à la 99e place l’année dernière avec toutefois un score qui était supérieur à celui de 2024 (57.38), malgré le fait qu’elle grappillé six places. “Depuis 2021, ils sont également la cible de gangs, et sont souvent victimes de menaces, d’agressions, d’enlèvements ou de meurtres en toute impunité. Depuis la chute du gouvernement d’Ariel Henry en mars 2024, les journalistes sont pris entre une vague de violence généralisée et la crise sociale, économique et politique”, poursuit le rapport de RSF publié ce vendredi 3 mai 2024.
Ce rapport souligne aussi l’échec des États à protéger le journalisme à travers le monde cette année. RSF indique que les autorités politiques à l’échelle mondiale menacent la liberté de la presse, alors qu’elles devraient en garantir l’intégrité. Une réalité à laquelle Haïti n’a jamais pu échapper, surtout quand il est question de traiter les sujets relatifs à la corruption au sein des institutions étatiques, dans une démocratie déjà fragile.
Aussi, les journalistes sont souvent victimes de meurtres dans l’exercice de leur fonction. En 2023, 100 journalistes ont été tués à travers le monde, dont les trois quarts à Gaza, région minée par la guerre Israélo-palestinienne qui se poursuit, malgré les appels d’organismes internationaux et d’autres pays à un cessez-le-feu.
Onze (11) travailleurs des médias ont été tués depuis janvier 2022 en Haïti selon l’UNESCO, et près d’une dizaine kidnappés au cours de 2023, soulignant ainsi la fragilité de l’exercice de ce métier dans une Haïti en proie à une croissance de la violence des gangs sur différentes formes. Assassinat, kidnapping, intimidation, sont entre autres moyens utilisés pour porter atteinte au travail journalistique.
Quant aux femmes journalistes, elles ne peuvent même pas accéder à certaines zones pour la quête d’informations, en raison du fait que les gangs haïtiens ont souvent recours à la violence sexuelle contre les femmes et les filles. Une réalité dénoncée par l’ONU dans un rapport en 2023, indiquant que les bandes criminelles utilisent la violence sexuelle comme outil de punition contre les femmes et les filles qui traversent leurs territoires.
Cependant, les professionnel.les du journalisme poursuivent l’exercice de leur métier malgré les conditions instables et fragiles dans lesquelles ils travaillent pour apporter l’actualité aux citoyens. Ils sont souvent victimes de l’insécurité, de menaces de tout genre mais aussi de la situation économique précaire qui ne cesse de s’aggraver dans le secteur en raison des conséquences de la crise sécuritaire sur la vie économique des notamment des institutions privées.
Le courage et l’abnégation de ces professionnel.les qui se donnent corps et âme dans l’exercice de ce noble métier qui souffre souvent d’un manque de considération, en dépit des nombreuses luttes sociales auxquelles ont pris part les journalistes pour le bien-être de la population haïtienne, est à saluer. C’est aussi le cas pour les journalistes du monde entier qui se font alliés des citoyens dans la lutte pour la démocratie, le bien-être et l’accès à l’information fiable.
Certes, il y a encore du travail à faire dans le milieu du journalisme, notamment pour le rendre plus professionnel, indépendant, donc fiable, mais il n’en demeure pas moins que ce secteur est vital pour la démocratie et le bien-être social entre autres. Haïti est un exemple criant de l’importance de la liberté de la presse, avec les résultats de cette lutte pour la démocratie qui a conduit notamment à l’exposition de dossiers de corruption dans le pays, entre autres expressions de l’importance du journalisme libre.
Pour finir, nous profitons de cette occasion pour saluer le plus vieux journal du pays, Le Nouvelliste, qui a fêté son 126e anniversaire ce mercredi 1e mai 2024. Nous souhaitons lingue vie au journal de la rue du Centre dont les locaux ont été vandalisés il y a peu. Tout en envoyant nos mots de félicitations pour cet exemple de longévité, nous condamnons les attaques contre les institutions médiatiques qui ne font que travailler au service de la population, en l’informant, le divertissant et l’accompagnant dans son quotidien de citoyens d’un pays libre où la démocratie doit toujours prévaloir.
